LE BREDOUILLEMENT
Le bredouillement est un trouble du langage peu connu assez complexe. Je commence par rappeler que je ne suis pas un spécialiste et je n’ai pas de diplôme dans la matière. Cependant, je suis un bon bredouilleur. Je vais donc tenter de vous expliquer ce trouble me basant principalement sur mon expérience de bredouilleur et des livres et articles sur le sujet, principalement le livre Cluttering: Current views on its nature, diagnosis, and treatment (Anglais) / Yvonne Van Zaalen (Auteur), Isabella Reichel / iUniverse (8 janvier 2015) .
Vous pouvez trouver tous les documents que j’ai utilisés et d’autres informations complémentaires dans la section “ressources“.
En anglais ça donne « Cluttering »
Le mot “bredouillement” n’est pas très « parlant » pour représenter ce trouble. En anglais par contre, il est nommé “Cluttering”, ce qui signifie « désordre ». Ceci est déjà plus révélateur car en effet, le bredouillement peut être imagé par une désordre, une désorganisation de la parole.
Une histoire d’automatisation
Très active dans ce domaine, le Dr Yvonne Van Zaalen résume, à notre sens, très bien le bredouillement comme suit (extrait du livre “Cluttering” – iUniverse – 8 janvier 2015)
“Le bredouillement est un trouble de la fluidité de la parole dans lequel les personnes ne sont pas capable d’ajuster leur vitesse de parole (grammaire) ou phonologique (structure de la phrase) à la demande du moment” (“Cluttering is a disorder of speech fluency in which people are not able to adjust their speech rate to the syntactic (grammar) or phonological (word structure) demands of the moment.”)
Il s’agirait donc d’un problème d’automatisation du langage. Pour bien comprendre, le Dr Yvonne Van Zaalen nous parle du processus de la production de parole qui se déroule en plusieurs étapes distinctes (inspiré du modèle de Levelt; plus d’infos dans la section “ressources”). Chez les personnes qui bredouillent, ce processus ne semble pas être correctement synchronisé. Certaines étapes peuvent se faire plus rapidement que d’autres ou en même temps. Par conséquent, lors de la production d’une phrase, c’est le désordre. Les idées formulées ne sont pas claires, les mots ne sont pas toujours bien choisis, des fautes de grammaires apparaissent…
“J’ai parfois l’impression que je parle sans savoir où je veux aller. C’est comme si ma bouche prenait le contrôle. Du coup, je me perds dans mes explications. Il m’arrive aussi de dire un autre mot que celui que j’avais prévu de dire initialement. Je sens vraiment que ma communication est désorganisée” Stephan
Vite, vite et vite
Voici une autre définition qui complète la précédente de l’Association Parole Bégaiement (www.begaiement.org):
« C’est un trouble du flux de la parole caractérisé par un débit précipité, excessivement rapide et irrégulier, accompagné d’au moins un des éléments suivants :
− un nombre excessif d’accidents de parole
− un nombre excessif de télescopages ou de suppressions de syllabes
− une anormalité dans le rythme du discours, le placement des pauses et l’accentuation des syllabes. »
“Dans certaines situations, comme raconter une histoire, Il est très difficile de contrôler le débit des mots, le rythme, les pauses… J’ai comme une sorte d’impulsivité qui me pousse à vouloir en placer une à tout prix et de vite raconter mon histoire. Je peux lire dans les yeux des gens qu’ils n’ont pas tout compris. Ils me demandent également souvent de répéter.” Stephan
Nous pouvons rajouter que l’articulation est parfois difficile sur certains mots ou dans certaines situations.
“Lors d’une conversation, je peux parfois sentir quand un mot ou une phrase va être difficile à prononcer. J’évite ce problème en changeant de mots ou parfois en changeant l’ordre des mots de ma phrase. Souvent ça passe. Par contre, si je n’arrive pas à anticiper, je répète mes phrases quand je sens qu’elles ne sont pas bien articulées “Stephan
Ah mais le bredouillement, c’est du bégaiement finalement ?
Pas tout à fait ! Bien que le bégaiement et le bredouillement aient des similitudes (causes, traitements…) et que les deux peuvent coexister chez une même personne, il existe quelques différences.
Dans les grandes lignes et selon nos recherches, le bégaiement est caractérisé par des blocages physiquement visibles lors d’une prise de parole.
Par contre, le bredouillement se caractérise plus par un débit de la parole élevé et « un désordre » dans la formulation des idées, structure de phrase…
Une autre grande différence pourrait se situer au niveau de la conscience du trouble. Contrairement au bégaiement, les personnes qui bredouillent ne sont pas toujours conscientes de leur trouble car elles arrivent tout de même à se faire relativement bien comprendre. Il est important de préciser qu’une personne qui bredouille peut-être parfaitement fluide et intelligible dans sa parole lorsqu’elle est concentrée (environnement professionnel…). Le bredouillement aura tendance à être plus marqué dans des situations informelles où la personne est “détendue” comme des soirées entre amis ou en famille.
“J’ai toujours eu d’excellentes notes lors des présentations devant mes camarades de classe. Ils me trouvaient très clair et cohérent. Par contre, j’étais beaucoup moins clair lors des répétitions de ces mêmes présentations devant un ami par exemple. Inconsciemment, lorsque c’est le jour j, je pense pouvoir me concentrer plus naturellement” Stephan
Cette absence de conscience du trouble et cette faculté à être fluide à certains moments semble beaucoup moins développer une angoisse de la prise de parole; contrairement aux personnes qui bégaient.
Néanmoins, avec le temps et à cause de remarques telles que “parle moins vite !” ou “je n’ai pas compris, tu peux répéter ?”, les personnes qui bredouillent semblent se rendre tout de même compte que quelque chose cloche dans leur communication à un certain moment mais ne savent pas quoi exactement.
“Malgré toutes les remarques de mes camarades, je n’ai pas eu de peur particulière de parler durant mon adolescence. Cela fait seulement quelques années que je commence à appréhender certaines situations de prise de parole. Je redoute beaucoup les situations improvisées comme les discours, les débats, les meetings… Ce n’est pas une question de trac mais plutôt la peur de paraître stupide par mes interventions (pas se faire comprendre, pas bien articuler, faire des fautes bêtes de grammaire… ).” Stephan
Autres choses à part la parole ?
Le bredouillement ne touche pas seulement la parole mais semble affecter une grande partie des outils de la communication et certains aspects du comportement.
Vous trouverez dans notre section ressource un tableau des différents symptômes et troubles liés au bredouillement
Mais comment cela guérit ?
“La thérapie du bredouillement, comme pour la thérapie du bégaiement, demande plus qu’un changement de la parole du client. Cela crée une transformation dans plusieurs aspects de la communication qui passent par des exercices routiniers de la parole” (le livre “Cluttering” par Yvonne van Zaalen & Isabella K. Reichel, 2015, p.114) “Cluttering Therapy, similary to stuttering therapy, involves more than changing a client’s speech. It creates transformations in many areas of communications that transcend routine speech excercices” (the book “Cluttering” by Yvonne van Zaalen & Isabella K. Reichel, 2015, p.114)
Etant donné la complexité de ce trouble, il convient de se renseigner auprès un professionnel, dans ce cas un orthophoniste, afin d’avoir une prise en charge adapté.
Pour finir, il faut savoir que le bredouillement n’est pas très connu du public mais également des professionnelles. La confusion avec le bégaiement est relativement courante suite à un manque d’information sur ce trouble. Vous trouverez un très bon travail de recherche à ce sujet dans notre section « ressources ». Assurez-vous donc de vous adresser à une personne qui sache vraiment traiter le bredouillement.